Sauvetage de 3 soldats américains





Le 7 juin 1944, vers 13h30, le lieutenant Charles Voigt, aux commandes de son chasseur bombardier P. 47 Thunderbolt, s’écrasa au village de la Barraque, à Montsurvent. En touchant le sol à plus de 300 km/heure, le P. 47 finit sa course au milieu d’un champ sur la commune de Boisroger. Sauvé par les deux frères Rigot, Camille et Julien, le lieutenant Voigt fut pris en main par l’instituteur local, Robert Leboyer.
Au-dessus des salles de classe, l’école de Montsurvent était séparée en deux appartements, respectivement attribués à l’instituteur (partie gauche) et à l’institutrice (partie droite). Jusqu’à la mi-juillet, Charles Voigt resta caché dans l’appartement de l’instituteur, au-dessus de la classe des garçons, fermée depuis début juin. À la moindre alerte, il était convenu qu’il se glisse dans les combles pour y disparaître.
Le 28 juin 1944, Joseph Hélye, le fils de la voisine, tomba sur « deux drôles de gars » qui lui réclamèrent du lait dans la cour de sa maison. Prévenu par le gamin, l’instituteur découvrit que ces deux gars étaient des parachutistes de la 82e division aéroportée américaine. Celle-là même qui restera célèbre pour avoir sauté sur Sainte-Mère-Église dans la nuit du 5 au 6 juin 1944. Faits prisonniers, le sergent Edward Morrissey et le soldat Norman Welsh réussirent à fausser compagnie à leurs geôliers et c’est ainsi qu’ils arrivèrent à Montsurvent. Mise dans la confidence, Marguerite Vienne, l’institutrice, veuve et mère de trois enfants, s’engagea à les prendre en charge.
Afin de subvenir aux besoins causés par deux bouches de plus à nourrir, l’instituteur s’en alla frapper aux portes pour récolter des denrées. Laëtitia Lemallier et son fils Marcel répondirent présents, mais aussi quelques cultivateurs dont Eugène Bourgeot, Eugène Delaroque et Arméline Hélye.
Préoccupés par les pertes, les raids incessants des avions alliés, la déroute programmée de leur armée, les Allemands présents dans la localité ne soupçonnèrent aucunement la présence de ces trois Américains. Robert Leboyer eut pourtant la peur de sa vie le jour où il surprit les trois Américains, certes habillés en civil, en compagnie d’un Allemand, dans le jardin derrière l’école, au beau milieu d’un carré de fraises. L’Allemand leur réclamant une bicyclette, sans pouvoir se faire comprendre des trois hommes. En lui cédant sa propre bicyclette, Robert Leboyer se débarrassa de l’Allemand, soucieux de déguerpir au plus vi
À partir du 13 juillet, le front se rapprocha pour se stabiliser à 10 kilomètres de Montsurvent, sur une ligne Lessay-Périers-Saint-Lô. Sentant que l’arrivée des libérateurs était imminente, l’instituteur crut bon de dissimuler dans la nature les trois fugitifs, en attendant l’arrivée des libérateurs qui semble imminente. Dans le chemin creux mènant de l’église au presbytère, à environ deux cent mètres de l’école, on aménagea un abri dans lequel Charles Voigt, Edward Morrissey et Norman Welsh s’installèrent avec vivres et couvertures.
Sur la ligne de front, la défense allemande tenait bon. On ne pouvait pas se terrer indéfiniment dans un chemin creux c’est pourquoi, le 17 juillet, la décision fut prise de rallier les troupes alliées via la côte. Habillés en civils et portant baluchon sur l’épaule, les Américains marchèrent jusqu’à Coutainville, précédés par Simone et Robert Leboyer. Ils se fondirent dans la masse des réfugiés, jetés sur les routes à cause des combats. À la nuit tombée, Robert Leboyer les guida jusqu’aux mielles de Blainville, où, à la nuit tombée, ils volèrent un doris. Au nez et à la barbe d’une unité allemande, les hommes traînèrent l’embarcation et prirent la mer.
Le vent se lèva en même temps que s’abattait sur les fugitifs une forte pluie. Agrippés aux avirons, Robert Leboyer et Marcel Mauduit, le marin pêcheur recommandé par Édouard Quetier, chef d’un réseau de résistance local, s’acharnaient à maintenir le cap. Charles Voigt, Edward Morrissey et Norman Welsh écopaient à tours de bras. Ils atteignirent les dunes de Portbail en début d’après-midi du 18 juillet et tombèrent sur le premier poste américain à l’entrée de la bourgade. De là, on les conduisit au quartier général, situé à l’abbaye de Blanchelande, sur la commune de Neufmesnil, où ils furent interrogés séparément. Leur précieux témoignage permit d’éviter un massacre inutile. En effet, les Américains avaient prévu de bombarder la côte ouest du Cotentin, où des milliers de civils s’étaient justement massés pour fuir les combats.
Charles Voigt, Edward Morrissey et Norman Welsh regagnèrent l’Angleterre dans les jours suivants. À cause de son entorse au pied, Charles Voigt fut momentanément affecté à une école de pilotage. Il retrouva les commandes d’un P. 47 après sa guérison, en combattant jusqu’à la fin de la guerre. La Médaille de l’Air avec deux feuilles de chêne lui fut attribuée, de même que la Purple Heart. Marié et père de trois enfants, il mourut en 1958, dans un accident d’automobile.
En septembre 1944, la 82e Airborne fut parachutée sur les Pays-Bas. Edward Morrissey y perdit un oeil. Rentré chez lui avant la fin de la guerre, il mourut le 1er août 1990. Norman Welsh survécut lui aussi à cette guerre. Les deux parachutistes furent décorés de la Purple Heart. Ils sont longtemps restés en contact épistolaire avec Marguerite Vienne.
Du côté des helpers, Marguerite Vienne et Robert Leboyer ont retrouvé leur école au début du mois d’août 1944. Les classes ayant servi d’écuries pour les chevaux, tout le mobilier scolaire avait disparu dans les roulantes allemandes. Camille et Julien Rigot se sont engagés dans la 2e Division Blindée du général Leclerc, en participant à la libération de la France.
*Le 27 juillet 2024, à l’occasion du 80e anniversaire de la libération de la commune, une stèle honorant la mémoire des helpers et des 3 soldats américains a été érigée devant la mairie de Montsurvent par l’association Monte Supra Ventum.